mercredi 27 juillet 2011

Qu'il fut doux d'être enfant.






















Take time with a wounded hand, cause it likes to heal
Take time with a wounded hand, cause I like to steal.
 Stone Temple Pilots - Creep






La vie est parfois une grosse toupie multicolore, et me file de temps à autre la gerbe. Ce que j'ai en ligne de mire en écrivant ça: la perception qu'ont les autres de notre charmante personne.

Remontons le temps et arrêtons-nous à une bonne quinzaine d'années (en gros de mes 8 à 16 ans): j'étais alors, comme mes petits camarades me le scandaient régulièrement, grosse. J'avais également la tare d'être dans les premiers de classe, ce qui comme chacun sait est très mauvais: les défauts ne s'additionnent pas, ils se multiplient de manière exponentielle. J'avais donc l'outrecuidance d'être dotée d'une anatomie à géométrie variable et en plus je ne me faisais même pas oublier en étant cancre-moyenne. La lose, mec. Mais bon, comme je n'étais pas bien méchante et déjà bien conne sur le plan humain (bonne poire 4ever hein), les remarques pas du tout blessantes s'apparentaient généralement à "elle est gentille...mais dommage qu'elle soit grosse". Je n'ai jamais compris ce que l'un et l'autre de ces attributs faisaient dans la même phrase, mais soit. Le comportement à mon égard de mes camarades, ainsi que celui des instituteurs mais également des autres adultes, était souvent un brin hostile. J'ai mis des années à comprendre pourquoi, tout en ployant l'échine sous le poids de ces mots de plomb: le gros gosse, tu as envie de lui botter le cul. Pour qu'il maigrisse, déjà, parce que plus tard ça sera encore plus galère, mais aussi parce que tout ce gras, ça n'inspire que la paresse, la lenteur, la mollesse. Bref, tu as envie de lui gueuler "MAIS BOUGE-TOI". Et surtout tu utilises bien le mot "gros" à toutes les sauces, histoire que l'intéressé en ait une indigestion jusqu'au restant de ses jours.

Chemin faisant, j'ai perdu très soudainement une bonne partie de masse corporelle à l'adolescence. Et là, alors que j'attendais ça depuis des années, je n'ai pu m'empêcher d'observer le changement d'attitude des gens à mon égard. Les mecs, forcément, ont revu un peu leur jugement. Mais les adultes également. Finis les gestes d'impatience à la caisse quand tu ne trouves pas ta monnaie, les moqueries dans le bus quand tu passes devant les rangées latérales (oui celles du milieu, qui font un peu jury), les soupirs excédés quand tu ne marches pas assez vite dans la rue et j'en passe. Le choc. Et non, je n'exagère même pas, c'est ça le pire. J'ai mis du temps à me faire à cette nouvelle enveloppe, mon poids jouant gentiment au yoyo comme celui de pas mal de filles, mes complexes ont demeuré. 

Et récemment, j'ai vraiment perdu du poids. Cette fois-ci, on me dit que je suis maigre. Et là je rigole. Parce que ça m'en a bouffé du temps de mes 27 années, mais j'ai enfin compris. Ca n'ira jamais. Chacun voit ce qu'il a envie de voir, obéit à ses goûts, ses valeurs (parfois de merde, voir virgule précédente), ses envies. Pour ma part ça me plaît, sauf de me faire qualifier d'anorexique par un médecin, qui ignorait que juste avant de le voir, j'avais déjeuné de saucisson et de Schoko-bons (et sans me faire vomir après, HA).
Cependant soyons réalistes, j'ai compris mais pas pansé. Les remarques du passé ont laissé des griffes bien plus profondes sur ma carapace pas encore formée à l'époque, que celle d'aujourd'hui sur ma cuirasse (en carton certes, mais cuirasse quand même). Et il m'en reste encore des phobies, putain...


1 commentaire:

  1. L'innocence et la douce inconscience s'envolent avec le gris du temps....Courage ;-)

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