mardi 24 octobre 2006

The word is on the street.























A golden bird that flies away,
A candle's fickle flame.
Cake - Never there




Une vague connaissance (environ 1m90, cheveux grisonnants, yeux verts sales) m'a suggéré que l'amour, c'était un peu comme le tapis roulant d'une caisse de supermarché, et que finalement l'entierté de ce concept mercantile était applicable à loisir à ce sujet si souvent décrit et décrié.
Au départ, l'idée m'a semblée un peu capillo-tractée, mais enfin, pourquoi pas?


C'est là que j'ai fermé les yeux et me suis laissée entraîner dans cette chimère de consommation frénétique...

...pour me retrouver plongée dans une vaste sphère über-lumineuse entièrement tapissée d'articles.

-Kassa twéééééé

Tout m'aveugle dans un premier temps, mais ensuite les formes et slogans m'apparaissent un peu plus clairement. Les murs sont peints d'un rose dégoulinant, le sol est recouvert d'une feutrine pourpre, élimée et maculée de résidus non-identifiables. L'ambiance se trouve gentiment égayée par de suaves mélopées dignes des ascenseurs new-yorkais les plus prisés.
Les réjouissances semblent pouvoir commencer.
Une date de péremption furtivement entrevue me permet de situer l'époque: nous sommes en 1999. Un point pour la date, seulement voilà: où aller?

Les autres clients ont l'air de savoir ce qu'ils font, je me dois donc de les suivre...pour bien vite me rendre compte que chacun a son propre comportement d'achat et que copier sur mon voisin ne me servira décidément à rien.

-Dites madame vous exagérez, vous avez oublié de peser vos poireaux...

En effet, le consommateur caméléon est ici représenté dans toute sa splendeur: la situation dans laquelle le consommateur potentiel évolue est alors déterminante. Qu'il s'agisse d'un moment de la journée bien particulier, d'un point géographique, de sa situation familiale ou de la personne qui l'accompagne, le prospect se doit de choisir le produit le mieux adapté à sa situation physique et morale présente.
En d'autres termes: autant acheter ce qui clinque, on verra ensuite pour le service après-vente.

Cette optique de moyen-terme ne me sied pas du tout, mais l'économie de marché a raison de moi et je choisis un peu au hasard un produit de terroir à l'emballage peu attrayant...mais qui m'a l'air solide. Pour un premier achat, autant rester modeste.

Vient le moment tant attendu de passer à la caisse... Le tapis roulant est comme moite et englué de quelques feuilles verdâtres, la caissière est rougeaude et peu amène, et tout cela sonne comme un avertissement: "casse-toi tant qu'il en est encore temps! ". Etant encore fort jeune et influençable, à la vue des autres clients tellement satisfaits et sûrs d'eux, je décide de justesse de ne pas me raviser et d'assumer mon achat.

-400g... Il y en a un peu plus, je laisse?

Avide de savoir et curieuse de cet environnement nouveau, j'observe cependant attentivement le reste de la clientèle...

Certains semblent avoir trouvé le truc et déposent nonchalament leur panier à la caisse pour ensuite partir à la quête de leur article. Ainsi, leur place est conservée dans la file et ils ne perdent aucun temps.

D'autres dépassent l'entierté de la file et bourrent dans les jambes des gens avec leurs caddies. D'autres encore laissent passer une ou deux personnes, histoire probablement de se donner le temps de réfléchir.

Pour terminer par ceux qui comme moi se précipitent, le sourire aux lèvres et l'air niais de quelqu'un qui est fier de jouer avec des allumettes.

Une fois sortie de la torpeur de la pulsion d'achat, la réalité se rappelle à mon bon souvenir.
Matériaux défectueux, allergies, promesses non-tenues: multiples sont les déconvenues, et cela je m'en rends bien vite compte. Seulement voilà, retourner au magasin est tout de même un signe d'échec pour bon nombre d'entre nous, tant est si bien que je préfère donner un ou deux petits coups, secouer énergiquement, plutôt que de rendre cet article auquel je me suis attachée au fil du temps malgré son ingratitude.
Après quelques années, le poids de l'inefficacité se faisant trop lourdement ressentir, j'en viens à partir à la recherche de la fameuse garantie...que je ne retrouverai bien sûr jamais: encore aurait-il fallu en recevoir une!
Mon choix se portera donc sur la mise en liberté de l'article, dont la texture et les capacités s'amélioreront dans des proportions indécentes une fois qu'une autre personne se sera portée acquéreuse.

Ainsi va la vie dans les F1 et autres surfaces de vente communément décrits et analysés par GfK et Kotler, inconscients que pour au moins deux jeunes belges, cela revêt un tout autre sens.

Le bilan de cette expérience me laisse comme un goût amer prononcé et un poids sur le coeur. Des "plus jamais" et autres "si j'avais su" fleurissent sur ma conscience et mon innocence pour ne jamais me laisser en paix. Une partie de mes illusions concernant la publicité et le monde de la consommation vient de s'envoler et je me jure désormais de ne plus y prendre garde, d'étudier le produit sous toutes ses coutures... Facile à dire.

La prochaine fois, je commanderai une pizza.


4 commentaires:

  1. *ding*
    "la commande numéro septante mille neuf cent septante-huit est prête à la boucherie"
    *ding*

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  2. Ou pour paraphraser un poète des temps modernes dont je ne citerai pas le nom:

    "J'crois que les histoires d'amour, c'est comme les voyages en train [...] maintenant t'es prévenu: la prochaine fois, tu prendra le bus"

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  3. Stéphane a.k.a. Logos27 octobre 2006 à 21:58

    1: Favoriser l'économie planifiée;
    2: Privilégier les biens de consommation durable;
    3: Ne rien acheter sur Internet;
    4: Gérer le risque. Quatre méthodes:

    * L'évitement :

    L'activité présentant un risque, on ne fait pas l'activité. Du point de vue des décideurs, cette stratégie est la moins risquée et la moins chère, mais elle est un frein au développement de l'entreprise. De plus, la plupart du temps, elle reporte le risque sur d'autres entreprises, ou bien elle le remet à plus tard. Si le risque est susceptible de devenir majeur, l'évitement n'est pas une attitude responsable.

    * L'acceptation :

    Le risque est accepté et l'on contracte une assurance si on souhaite le transférer [...]; cette approche ne permet pas de protéger les personnels ni l'outil de production tant qu'aucune volonté de réduction du risque ne se manifeste.

    * La réduction du risque :

    Veille, identification des risques par l'audit, analyse par la recherche des facteurs de risques et des vulnérabilités, maîtrise des risques par les mesures de protection et de prévention : c'est la démarche classique de gestion des risques.

    * Le transfert :

    A titre opérationnel et économique, ce transfert s'effectue lorsque l'entreprise sous-traite l'activité à risque sous une forme ou une autre [...]; un sous-traitant sérieux et qualifié pourra faire payer très cher sa prestation mais aussi démontrer qu'il gère mieux le risque pour un prix équivalent voire inférieur, et le recours à un sous-traitant non qualifié ou dédaigneux du risque fera courir un risque encore plus grand.

    ...

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  4. Ouvrir son frigo et crier je t'aime !

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