samedi 21 octobre 2006

Day, my, day, my.















Ce fameux jeudi avait mal commencé:

- un réveil gracieusement offert par Cuir n°1
- des paupières toujours lourdes à 14h
- un cours de droit de la communication mentionnant que "pour autant que le droit de l'émetteur soit menacé, alors oui, la censure est préventive, à titre d'urgence provisoire évidente."

Melting pot de déconvenues, vous en conviendrez.


Il y a des jours comme ça, je ne comprends pas.
On se dit que l'on a tout pour être heureux: une famille adorable, toute de miel enrobée, des amis dégoulinants de propositions de sorties et d'attentions choyantes, des études passionnantes, etc.
Ca bien sûr c'est la vision american-dreamisée, aperçu réconfortant bien que stroboscopique d'une réalité en demi-teinte lorsque, comme le dit si bien Umut, "on s'est un peu trop laissé pleuvoir dans le cul".

Tout est éphémère et désarticulé: fast food, fast day, fast night. Le lendemain on recommence et...

Le positivisme forcené, j'ai déjà tenté. Mais il faut bien admettre qu'au bout d'un moment, la chantilly garnie de sprinkles fait vomir. J'ai beau essayer de me dire qu'il ne s'agit que de 3 pauvres années, 3 années pour déterminer 40 ans d'une brillante carrière de reporter intrépide en tailleur Chanel, il y a comme des ratés dans la mécanique implacable de l'avenir. La rhétorique universelle du bonheur, c'est bien, le concret, c'est mieux.


Petit rappel des faits:

L'atmosphère est lourde, crayeuse, saturée d'Anaïs-Anaïs et de fumet de fauve estudiantin. Il flotte dans ce vieux local de la fac de philo comme une odeur de tabliers noirs amidonnés et d'encre de Chine hors d'usage. A la seule vue de l'étalage digne d'une succursale de Phonehouse sur chacune des tablettes, la réalité me rattrappe soudain et me hurle à l'oreille "On est en 2006 et tu ne glandes rien, connasse!". Je n'ai pas ri à sa blague, pour la raison que cette voix n'a pas tort.

Il est 14h30, je suis vaguement avachie sur une planche de bois à l'ergonomie douteuse, censée m'aider à affronter la cruelle réalité d'un cours de droit dont l'humour m'échappe quelque peu.


"Et alors je lui dis: mais Mr Le Juge, vous n'y pensez pas!!!" (rires confortants)


Un rapide regard aux étudiants alentours me permet de m'assurer que si leur rire a des accents de connivence légèrement condescendante, leur regard est aussi torve que le mien, reflet de la question que nous nous posons tous rituellement: comment peut-on décemment assumer cette branche et blablabla.

Je vous ai déjà dit que je n'aimais pas le jeudi?

En primaire, c'était le jour de la piscine, moment de désespoir intense, où, boudinés dans des maillots ridicules, le crâne enserré d'un bout de tissu aux couleurs de la Norvège, nous tentions vainement de garder un semblant de dignité malgré la morsure du chlore et l'injonction latente de "faire comme si on était un dauphin altier".

Comble de la Loi de Murphy, découlant pourtant d'une certaine logique: le jeudi, jour de piscine, était également synonyme de jour du poisson chez mes grands-parents. 12 ans durant, malgré moult récriminations, nausées feintes et autres excuses, ce foutu animal s'est retrouvé étalé dans mon assiette, planqué sous une tonne de frites pour la peine. Un peu comme si on disait "connard" en rigolant: les féculents huileux devaient adoucir l'ignominie de la chose.
Comme tout adulte responsable né dans les années 20, mon grand-père avait du penser que tous les enfants qui ingurgitaient leur kilo mensuel de dorade au mercure auraient leur place à Harvard. S'il me voyait aujourd'hui, il se gausserait: forme humaine quelconque par trop alanguie sur un brouillon d'article et non des notes de cours, saucissonnée entre deux élèves comateux aussi peu soucieux que moi de l'enjeu des études universitaires, je dois offrir un bien pathétique spectacle.


- C'est chiant hein?
- Jamais vu ça :|


On me dit souvent d'arrêter de me rabaisser et de faire un drame de tout: force est de constater que ça marche.
Pour les autres.

Seulement voilà, j'aime me torturer.
J'aime sentir mon sternum se contracter sous l'impulsion de dilemmes inutiles, voire totalement imaginaires, tout comme j'aime trouver la solution d'un problème qui n'en est pas un.

Par ennui? A coup sûr. Mais par besoin de me remettre en question, surtout.

Même si de prime abord on peut me trouver fataliste, l'envie d'avancer, de réussir est bien là, même si les barrières et freins concordants le sont également. Comme dirait Pérusse:
"Alors t'es prêt? Ouais!! Ca va?! Ouais!! Alors on y va! Ok..."

La fatalité, c'est trop simple. C'est attendre de se prendre quelque chose sur le coin du museau, puis souffrir pour ensuite se dire "ah, je le savais.". En marketing, on appelle ça un écart entre le front et le back office. Mais je dirais plutôt que c'est de la connerie, histoire de nuancer un peu.

L'important est de trouver le juste équilibre entre audace inconditionnelle et passivité amorphe.

En fait, j'ai juste envie d'aller de l'avant même si tout me traîne et m'entraîne en arrière. Des mois, des années en arrière.
Oublier, pour faire un loft design d'un vieux pâté de Lego en plomb.


- Après on a deux heures de film!! Cool...
- Oui, "De l'hégémonie structurante de l'utopie collective au socialisme forcené"
- ...


Paradoxalement, l'envie de bouger se couple à celle de rester atone au milieu des flots. Pour récupérer. Se ressourcer. Autrement dit, s'arrêter de temps à autre sur le bas-côté et contempler, grapiller ça et là des parcelles de tranquillité, réconfort et amusement, aussi infinitésimales fussent-elles.
Malgré les périodes de doutes et d'adaptation, de transition absente au changement d'environnement le plus total, se poser et rire un coup. On en revient toujours à la même chose: trouver du positif dans un tas de merde.

Ne pas forcément s'escrimer à entrapercevoir le bout du tunnel, mais avoir connu, l'espace de quelques mois ou années le sentiment rassurant d'avoir fait quelque chose pour soi, par sa propre volonté et non par convention. Et ce malgré l'acidité embusquée des remarques déjà esquivées et à venir.

Vivre pour soi, bordel, et sans se retourner.
Juste une fois.


Voilà aussi pourquoi je n'ai jamais aimé le jeudi: c'est le jour où l'on a beaucoup trop de temps pour réfléchir à des résolutions parfois trop dures à tenir...


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