vendredi 29 mai 2009

Take only what you need from me.









Where do we go from here?
The words are coming out all weird.
Radiohead - The Bends





Tiens, ça va faire 10 ans.

10 ans que ma vie, que les gens, que le monde, que.
10 ans que tu es là et que tu me prends tout, même ce dont je ne soupçonnais pas avoir envie un jour.
10 ans que tu m'empêches de prononcer ces 3 mots.

Et pourtant, je ne m'y habitue pas. Parce que tu as le don de jouer avec moi, de revenir quand je ne m'y attends pas, et de tout ruiner. De lacérer le patchwork de semblant de vie que j'avais patiemment cousu, un peu plus chaque soir, en m'épuisant à rêver éveillée.
Mais rien à faire, j'aurais dû comprendre depuis longtemps ce que tu essaies de me dire mais je ne m'y résous pas. Tes sautes d'humeur sont pires que celles d'un borderline. Si seulement tu pouvais t'en tenir à ça...

Parfois je te tiens tête, et je relève le menton en crânant. Ça dure en général une journée, grand maximum. Le regard en coin, un bout de lèvre mordillé, les poings qui se serrent et l'estomac qui se tord : pas de doute tu es là, plus que dans la pièce, plus que dans l'air. Surtout le soir, quand il n'y a plus personne autour de moi pour croire que tu n'existes pas et pour m'en convaincre par la même occasion.

Là, tu sais que j'ai envie d'abdiquer et de les prononcer, ces trois mots.

Et pourtant non, ou presque : je ne sais pas ce qui me retient. Alors je trouve des synonymes et des métaphores à deux balles, pour éviter de t'appeler et de t'inviter à donner ton avis. J'ai appris à te tutoyer, alors que j'ai l'impression de ne connaître que quelques-uns de tes visages. Je ne suis pas pressée de connaître les autres, ils se manifesteront d'eux-mêmes bien assez tôt. Encore une de tes méthodes d'apprentissage qui me laissent par terre, sans voix, sans larmes.

Parfois, j'abdique et baisse la tête. Mes poings se déserrent et je te demande pardon. Comme si tu ne savais pas que je n'avais rien fait, comme si ça allait te faire changer d'avis et précipiter ton départ.
Mais tu ne t'en iras pas. Ils l'ont tous dit.

J'essaie de refaire la ligne chronologique de ces 10 dernières années, de voir à quel moment j'aurais dû parler pour te décider à t'en aller, au moins une fois de temps en temps. De voir à quel moment j'ai été si vulnérable, à quel moment tu as pu me cueillir comme un rapace.
A 15 ans, rien ne me préparait à te voir débarquer dans ma vie, à me faire plâtrer, enserrer dans des bandelettes brûlantes et à regarder par terre, assourdie par le rire de ceux qui sont désormais "les autres", "ceux qui" ou "ceux qui n'ont pas", selon le contexte. Parce que ça, c'est ta plus belle victoire : le clivage de mon existence en deux parties bien distinctes, bien hétérogènes. Une contradiction, une confrontation permanente entre deux pôles qui ne se rejoindront bien sûr jamais.

Et ce n'était qu'un début. Et ce n'est qu'un début.

Toujours ces trois mots qui ne viennent quasi jamais sans honte.

Grâce à toi, je ne sais plus ce que ça fait de se réveiller sans chuter. Sans avoir l'espoir que tout ça n'était qu'un cauchemar et que tu pourris désormais la vie de quelqu'un d'autre, même si c'est mal.
Grâce à toi, j'ai deux options : mentir ou craquer.

"C'est injuste", n'a même plus de sens, puisque tu n'as pas de conscience, il a bien fallu l'admettre.


10 ans que je doute.
10 ans que demain ne signifie plus rien.
10 ans que j'ai envie de le dire, juste une fois sans culpabiliser...


J'ai mal.


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