He couldn't quite explain it
They'd always just gone there.
Crash Test Dummies - Mmm Mmm Mmm Mmm
Durant ma longue et cocasse existence, je crois avoir intégré 2 équations essentielles à une meilleure avancée sur le chemin grumeleux de la vie :
1) Alcool + imagination = ∑ regrets ∗ ∑ non-dits
2) Enfant unique = chacal
Dans la mesure où je bois moins que je n'existe, c'est la seconde qui me sert le plus souvent. Parfois, l'espoir renaît un peu, puis à la fatidique question "tu as des frères et sœurs?" entraînant mon honnête réponse, mes illusions retombent pire qu'un soufflé au fromage dans Un dîner presque parfait*. Quand ma dernière syllabe est prononcée, je baisse les yeux, signe de défaite anticipée. Et aussi car je sais ce qui m'attend plus haut : regard condescendant (non mais qu'est-ce que tu as dû t'emmerder), traits figés en une moue de dégoût (les enfants uniques sont tous des petits cons égoïstes et capricieux), scepticisme (mais comment est-ce possible de ne faire qu'un enfant?).
Et oui, pour la majorité des gens, j'ai bien l'impression que les enfants uniques sont des chacals. Ce qui est un peu vexant, vu que le chacal fait partie du groupe des animaux rédhibitoires, dont les autres membres sont bien sûr la hyène et le fennec. Étant donné que je n'aime pas trop être comparée à un animal rêche et possédé par le diable, j'ai tenté d'examiner ce préjugé de plus près. J'en ai conclu ceci : pour le quidam standard dans la norme, le chacal attire les maladies (comme les pigeons, souvenez-vous de ce qu'on nous disait quand on était gosses). L'enfant unique, par comparaison, attire tous les défauts les plus pesants aux yeux de la société. A chacun de ces bons gros défauts, je peux cependant exposer un contre-exemple, devant bien défendre ce fabuleux honneur de n'être qu'une. C'est parti :
- l'égoïsme : il y a encore 2 ans, ma mère partait au boulot avec un tupperware contenant un plat à réchauffer, fait par mes soins, expressément pour elle. Avec la sauce dans un petit pot à part. A PART. Toujours dans le domaine culinaire, j'ai maintes fois regretté de ne pas faire partie d'une grande fratrie, tellement cuisiner pour 12 dans d'énormes casseroles me plaît. De plus, les gens les plus égoïstes qu'il m'ait été donné de rencontrer sont en général les petits derniers d'une plus ou moins grande fratrie, habitués à avoir tout ce qu'ils veulent, franchement très libres grâce à leurs aînés ayant défoncé les portes de l'autorité avant eux. Je crois aussi que c'est beaucoup plus facile de partager alors qu'on ne vous a jamais forcé à le faire avant.
- l'individualisme : alors là, oui mais non. Non parce que de temps en temps c'est bon de se ruer dans les bras de quelqu'un, de passer quelques jours 24h/24 ensemble à en avoir envie de se mettre des baffes à la fin, de prendre soin des gens en les écrasant sous des kilos de pâtisseries. Par contre, oui, j'aime bien être seule. En même temps, j'ai envie de te dire que jouer à un à "Qui est-ce?" et à "Max le Serveur", ça te forge un caractère. Ça t'apprend que les autres c'est gentil, mais parfois c'est superfétatoire. D'ailleurs, le mot "superfétatoire", tu as pu l'apprendre grâce à l'une de tes nombreuses et longues après-midi de chacal unique, perdu sur ton lit avec un "Enrichissez votre vocabulaire".
- le pourri-gâtage : là, ça dépend des parents. Je crois surtout que c'est plus facile de nous demander notre avis vu que les conseils de famille sont rapidement organisables. C'est donc plus simple d'avoir une relation théoriquement "proche" et "harmonieuse" avec ses parents. J'impose des guillemets, et si j'avais pu j'en aurais mis 12 parce que quand tu as envie de mettre le bouzingue à la maison, enfant unique ou pas, bah, tu le mets. Pour ce qui est du gâtage matériel, c'est plus une question de salaire des parents et de condition sociale, de volonté d'impressionner le voisinage.
Quand on reçoit une caravane Barbie, ce serait con d'en recevoir 2 (ce qui aurait pu devenir un proverbe altermondialiste). Tout ça pour dire que oui, nos parents ont logiquement plus les moyens de nous pourrir (sauf s'ils dépensent tout au casino/avec les prostituées/en Mc Do), mais qu'ils ne le feront pas forcément.
- l'anormalité : bon, ici par contre je n'ai pas trop d'arguments. Mais pareil, c'est surtout les jeux de société joués seuls qui rendent un peu dingue. Ça n'a l'air de rien comme ça hein, mais faire un Trivial Pursuit seul en changeant de voix pour chaque couleur, au bout d'un moment, ça endommage la psychomotricité. Et le reste. La solitude, ça laisse aussi beaucoup plus de temps pour se poser des questions et se forger une image du monde légèrement décalée par rapport à la réalité... Durant mon enfance et surtout pendant les grandes vacances, j'avais souvent l'impression d'être prisonnière d'une bulle, de plonger dans une grosse flaque de léthargie et de perdre le contact avec l'extérieur. Chaque pas vers l'autre devenait une épreuve. Mais bon, ça a un peu changé. Mais pas tant.
On a aussi moins de pression du point de vue de la compétition, mais du coup aussi moins de repères. C'est plus difficile de se construire sans modèle accessible... Je pense qu'en tant qu'enfant unique on est tout de suite vu comme un adulte en devenir, comme celui/celle qui va devoir s'intégrer aux deux autres, qui n'ont décidément plus envie de jouer aux enfants. C'est plus vite sérieux, il y a moins de place pour les balbutiements et les approximations. Bref, si l'on considère la variable éducation, c'est parfois un peu la foire, et la normalité devient une notion toute relative. Donc pour ça, merci de continuer à dire "ah mais c'est pas grave, elle est fille unique".
Ce qui m'amène à conclure que si j'avais pu choisir, j'aurais eu PLEIN de frères et sœurs. Ça m'a manqué de ne pas pouvoir rire/me battre/jouer/discuter/me faire emmerder jusqu'aux larmes par quelqu'un. Du même sang du moins.
* Edition ados de la semaine dernière FA-BU-LEU-SE.
et je plussoie a cette analyse avec moults sourires :)
RépondreSupprimerpar contre, perso, passer pour un chacal me fait beaucoup rire. jaune, certes.
clairement etre unique, c'est apprendre a etre seul; et puis on n'a pas vraiment le droit a l'erreur, faut etre "bon" et adulte vite, ca c'est vrai.
a defaut de veritable chacal egoiste et pourri-gaté, j'ai choisi l'option "bouffon de la famille", ou plutot "petit animal savant" qu'on s'arrachait: "allez recites ta poesie a tout le monde...", "regardez vous allez voir, elle sait tres bien faire ci ou ca...". malgré tout, je leur en veux pas... c'est (in)humain. hum. mais bon, ils ont jamais compris ma detresse dans le rire, mes pauvres parents ! ;)
mais juste quand j'ecoute la chanson de maxime le forestier "toi mon frere", là c'est plus jaune que je ris.... j'ai juste envie d'aller crever dans un coin, sans faire de bruit.
et faire à manger pour plein = oui!!
pas forcement pour 12, mais 2, ç'aurait déjà été Byzance!! etre binome, plus uninome, quoi :)