Although the red light
Everybody knows you cried last night
C'est comme une chanson de jazz... Les balais lèchent les peaux de batterie sur un tempo tranquille et ondulant, une voix un peu cassée s'élève au loin et les cuivres s'en mêlent peu à peu, donnant du corps à ces notes comme posées au hasard sur une partition absente. Une petite averse de piano, une claque de trompette, un coulis de clarinette et en avant. Ça tinte, ça sonne, ça résonne.
J'aime bien le jazz, ça rend nostalgique.
Des fois, il faudrait que j'achète un teckel coupe-courant d'air mental.
Pour empêcher les mots et les souvenirs de partir.
Pour empêcher les images de se dissoudre et de filer en douce en-dessous de la porte pas assez hermétique de ma mémoire.
Ça éviterait pas mal de désagréments, comme par exemple le fait de chercher 3h les mots "soliloque" ou "caroube". Pour rien d'ailleurs, puisque l'essentiel de ces mots manquant à l'appel est strictement inutile, même dans un cocktail mondain. Mais tout de même, ça me perturberait pendant des heures de ne pas retomber sur LE mot ou l'expression adéquate.
Et puis aussi parce que ce doit être phénoménal de pouvoir se souvenir de chaque odeur, chaque couleur, courbe, grain, émotion qui passait par là.
Mais tout retenir...n'est-ce pas un bien pour un mal? J'imagine qu'à ce moment-là, toutes les choses seraient reliées entre elles, les souvenirs fuseraient à la moindre occasion, inopinément et sans lien logique apparent. Chaque parcelle d'objet serait une invitation au souvenir, tout se recouperait alors. Voir un klaxon et ne pouvoir s'empêcher de pleurer la mort de Dali ou de se rappeler le goût des macarons à la pistache, à mes yeux c'est plutôt une tare.
Ça fausserait le jugement, ça biaiserait l'objectivité, rien ne serait neuf ou frais.
C'est un peu être condamné à ne plus rien apprécier comme surprise, à ne plus pouvoir savourer le quotidien tant la nouveauté ne serait qu'une redite du passé, un puzzle, un patchwork de sens reconjugués pour obtenir une nouvelle forme de vie. Un éternel recommencement, un cycle sans fin auquel il est impossible d'échapper jusqu'à la fin de ses jours.
Peut-être que finalement, avoir la mémoire en forme de passoire, ça a du bon. Recommencer 4 fois la même chose sans se lasser, voir un film 2 fois sans connaître les dialogues et les plans par cœur. Pouvoir vivre sans anticiper, ne pas avoir cette impression de déjà-vu, de recuit.
Juste ne pas être blasé et pouvoir encore s'étonner... Finalement, on n'est pas si mal lotis.
le "teckel coupe-courant d'air mental", ça devrait se trouver dans un dicco je trouve
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